Le 3 octobre 2019, la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation (n°18-19332) vient de rappeler que la liquidation du préjudice corporel d’une victime, conformément au principe de la réparation intégrale, obéissait à une méthodologie maintenant éprouvée, nécessitant notamment l’utilisation de certains outils comme la date de consolidation médicaux légale.
Dans les faits, un mineur victime d’une odieuse agression sexuelle, agissait en indemnisation de son préjudice à l’encontre de la succession de son agresseur, décédé avant la fin de la procédure. Comme habituellement pour ce contentieux, des expertises sont ordonnées par les juridictions saisies. Or, incapable d’affronter ce terrifiant passé, la victime n’a pu trouver la force de se rendre aux différentes convocations des experts, lesquels n’ont pu déposer de rapports.
Maintenant néanmoins ses demandes, la Cour d’appel de Lyon estima disposer d’éléments suffisant pour évaluer ses souffrances endurées et son préjudice sexuel, nonobstant l’incertitude sur une date de consolidation médicaux légale.
Sans réelle surprise, la Cour de cassation casse l’arrêt selon la motivation suivante : « Qu’en statuant ainsi, alors que la fixation de la date de consolidation était indispensable pour évaluer ces postes de préjudices temporaire et permanent, la cour d’appel a violé le principe susvisé ; ».
Immédiatement, il faut indiquer que cette motivation n’impose ni le recours à une expertise judiciaire ni l’obligation pour le juge de suivre impérativement les conclusions de l’expert.
Effectivement, il appartient à la victime de prouver que le dommage subi est bien imputable au fait générateur, ce dernier devant bien être à l’origine des lésions présentées.
Comme rappelé par l’article 232 du code de procédure civile, les conclusions expertales ne peuvent contraindre le juge et les conclusions d’un expert peuvent être utilement contredite par des éléments médicaux circonstanciés (Cour d’appel de Lyon-10 janvier 2019 n°11/05756).
Une victime peut parfaitement prouver l’existence et l’étendu de son préjudice via tout documents médicaux, contradictoirement débattus, sans que le recours à une expertise ne soit imposé. Il convient de mesurer cependant ce propos en convenant que la pratique traduit le recours systématique à une mesure amiable ou judiciaire.
Cela étant, si en matière de responsabilité civile les juges disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation pour la fixation des dommages et intérêts (Cass Civ 2 ; 21 décembre 2006 n°2006-036610), la réforme législative opérée le 21 décembre 2006 et notamment le nouvel article 31 de la loi du 5 juillet 1985 ( loi n°2006-1640) impose une détermination par le juge de différent postes de préjudices puisque les tiers payeurs ne peuvent exercer leurs recours que sur les postes qu’ils ont indemnisés.
Si aucune nomenclature n’existe en droit commun, depuis 2006 la Cour de cassation a procédé à une construction progressive de différents postes de préjudices d’une part en s’inspirant de la nomenclature Dinthillac d’autre part en distinguant les préjudices permanents des préjudices patrimoniaux via la date de consolidation médico légale.
Cette date essentielle dans l’architecture d’une liquidation correspond au moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent si bien qu’un traitement médical n’est plus nécessaire pour améliorer l’état de santé d’une victime et qu’un état séquellaire permanent réalisant un préjudice définitif est dorénavant indentifiable.
Les incidences de la date de consolidation sont multiples et notamment en terme procédurale, car elle détermine le point de départ de la prescription de l’action indemnitaire (article 2226 du code civil, article L 1442-28 du code de la santé publique).
Cela étant, c’est essentiellement dans sa fonction de césure entre les préjudices temporaire et définitif qu’elle se révèle impérative pour le magistrat. Sans cette date, il est impossible de distinguer les différents postes donc corrélativement de permettre aux tiers payeurs de faire valoir leurs recours comme l’impose la loi.
Il appartient donc à un magistrat, avant de liquider un préjudice, de déterminer cette date, en s’éclairant soit du rapport d’expertise, soit des documents médicaux. Effectivement si dans le contentieux des accidents du travail et des maladies professionnel, la date de consolidation est fixée par la Caisse primaire d’assurance maladie ( article L 442-6 du code de la sécurité sociale), le droit commun réserve cette faculté au magistrat. Ce dernier ne peut suppléer à cette obligation.
Or, la Cour d’appel de Lyon avait justement liquidé les préjudices, indépendamment de toute date de consolidation médico légale. La cassation s’imposait et il ne peut qu’être conseillé à la Cour d’appel de renvoi de déterminer elle-même cette date, en appréciation des éléments médicaux communiqués par les parties, pour pouvoir par la suite déterminer les différents postes de préjudices indemnisables.
Le droit à indemnisation de cette victime est entier, mais la réparation implique le respect d’une technicité et d’une méthodologie précise.
Naturellement, Maitre Thibault LORIN met a votre disposition son expertise en la matière pour vous accompagner lors de ce parcours aussi éprouvant que technique.
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