Il est toujours ironique de constater que certaines règles, régissant la saisine de fonds d’indemnisation de victimes d’un risque spécifique, traduction censément la plus aboutie de la solidarité nationale, peuvent se révéler si complexes qu’elles en remettent en cause le principe même du droit à un procès équitable.
La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme vient justement d’être invoquée, dans son article 6 paragraphe 1, par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 11 février 2021 (n°20-10.951), pour adoucir la rigueur procédurale à laquelle les victimes de l’amiante sont confrontées.
Crée par l’article 53 de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale, le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante, permet, sous certaines conditions, aux victimes exposées à cette substance et à leurs ayants droits d’être indemnisés intégralement des préjudices découlant de cette exposition.
Cependant, les conditions de saisine du FIVA comme celle de saisine de la Cour d’appel en cas d’absence de transaction, s’avèrent très voire ardues, comme le témoigne l’arrêt commenté.
Un homme décède en 2015 des suites d’une pathologie liée à son exposition à l’amiante, après avoir saisi le FIVA.
Ses héritiers, après le décès, le saisissent à leur tour le 27 mars 2017.
Le fonds de répondant pas sous 6 mois, une décision implicite de rejet de leur demande née.
Les ayants droits forment un recours devant la Cour d’appel le 15 novembre 2017, contre cette décision implicite de rejet.
Effectivement, l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000 dispose que le FIVA a 6 mois pour se prononcer, qu’à défaut une décision implicite de rejet née, laquelle peut être contestée dans un délai de 2 mois devant la Cour d’appel.
Les ayants droits disposaient d’un délai courant jusqu’au 27 novembre 2017 pour saisir la Cour et partant leur recours était recevable.
Or, en cours de procédure, le FIVA adresse un refus exprès, le 23 mars 2018, que les ayants droits ne contestent pas, estimant leur précédent recours suffisant.
La problématique à laquelle fut soumise la Cour d’appel était la suivante : la contestation d’une décision implicite de rejet du FIVA est -elle recevable en cas d’absence de contestation d’une décision express de rejet née postérieurement ?
Estimant que le refus exprès du FIVA s’était substitué au refus implicite, la Cour d’appel jugea que les ayants droits auraient dû former un recours contre ce refus exprès et, qu’en cette absence, leur premier recours devenait irrecevable.
La Cour de cassation balaye, heureusement mais juridiquement, cette argumentation en rappelant que dès lors que les ayants droits avaient formé un premier recours en temps utile, ce dernier ne pouvait être jugé irrecevable au motif qu’une seconde décision du FIVA n’avait pas été contestée.
Une réponse différente aurait atteint le droit à un procès équitable dès lors que la recevabilité d’un recours s’apprécie au jour où il est engagé et ne peut être dépendant de considérations survenues postérieurement.
Il suffirait en effet au FIVA d’envoyer un refus express après saisine de la Cour d’appel contre un refus implicite pour priver de tout effet la première procédure.
La Cour de cassation, après avoir le 5 avril 2019, étendu à tous les salariés victimes de l’amiante, la possibilité de demander réparation d’un préjudice d’anxiété, vient une nouvelle fois au soutien de ces dernières en freinant une appréciation rigide des règles procédurales. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
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