Par un arrêt rendu le 8 juillet 2021 n)20-23.673, la Cour de cassation, par le biais d’une décision malheureusement constante, interpelle directement le législateur sur la question du mode de calcul forfaitaire d’une rente accident du travail et de l’imputabilité d’une telle rente comme d’une pension d’invalidité sur le déficit fonctionnel permanent
En effet, il est de jurisprudence constante que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation permet l’imputation de la pension d’invalidité et de la rente accident du travail sur le déficit fonctionnel permanent (Cass Civ2 ; 13 juin 2013 n°12-10.145).
Cette jurisprudence apparait contestable dès lors que cette pension est destinée à remplacer un revenu et ne saurait concerner la compensation de l’incapacité personnelle, traduite dans la vie quotidienne, que représente le déficit fonctionnel permanent et cela d’autant plus que ce préjudice est définitif, alors que la pension d’invalidité n’est que provisoire, cessant en cas de versement d’un nouveau salaire (article L 341-12 et 13 du code de la sécurité sociale).
Cette position n’est d’ailleurs pas suivie par le Conseil d’Etat, estimant à l’inverse que ces prestations ne peuvent s’imputer sur un poste de préjudice personnel, dès lors qu’elles ont une finalité de compensation exclusivement professionnelle (CE 8 mars 2013, req. n° 361273).
C’est juste cette différence de traitement qui inspira le dépôt d’une Question prioritaire de constitutionnalité, laquelle fût transmise à la Haute Juridiction.
En substance, la Cour de cassation était ainsi questionnée :
La Cour de cassation rejette sévèrement les deux questions :
« Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec la loi qui l’établit.
En premier lieu, la rente d’accident du travail revêtant le caractère d’une prestation légale de la branche des accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale, il ne saurait être sérieusement soutenu que les dispositions des articles L. 434-1 2 et L. 434-2 1 du code de la sécurité sociale, telles qu’interprétées par une jurisprudence constante de la Cour de cassation (en dernier lieu 2 e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi nº 19-15.951), selon laquelle la rente indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent, méconnaissent les exigences du principe constitutionnel d’égalité devant la loi.
En second lieu, il ne saurait être davantage soutenu que l’interprétation d’un texte par les juridictions judiciaires et administratives, dont l’indépendance procède, respectivement, de l’article 64 de la Constitution et d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, et qui connaissent de catégories distinctes de litiges, méconnaît les exigences du principe constitutionnel d’égalité devant la loi. »
La Cour de cassation concède une rupture du principe d’égalité entre les victimes d’accident du travail et les victimes de droit de commun, mais rappelle que cette inégalité est légale.
Surtout elle rappelle que son interprétation constante, n’est pas une rupture d’égalité devant la loi, sous entendant finement mais indiscutablement que le législateur ne l’a jamais remise en question cette appréciation et qu’il ne lui appartient pas, en tant qu’institution judiciaire, de trancher cette question.
On ne peut que convenir qu’en l’absence d’une nomenclature légale, l’entreprise de construction de la Cour de cassation, en matière de dommage corporel connait de fatales limites.
Le législateur pouvant défaire tout ce que les juridictions construisent, il lui appartient de se positionner en la matière.
C’est en ce sens que s’inscrit le projet de réforme de la responsabilité délictuelle dans son projet d’article 1276 du code civil préservant le déficit fonctionnel permanent des griffes de la rente accident du travail et de la pension d’invalidité.
Espérons qu’au lieu de concentrer son attention sur la construction d’algorithmes dépersonnalisant les indemnisations, le législateur donne à nos juges les bases pour donner à chaque réparation intégrale sa nécessaire authenticité.
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