Les conséquences aussi imprévues qu’angoissantes de l’épidémie de Coronavirus, connaissaient déjà une traduction juridique, illustrées par les nombreuses plaintes déposées contre le gouvernement devant la Cour de Justice de la République.
Cette dynamique risque indubitablement de s’aggraver. Effectivement, la recherche quasi-systématique d’un responsable, que certains médias qualifient « une soif de coupable » conduit à une saisine des tribunaux à l’occasion de procédure tant pénales, administratives que civiles.
Dans ces conditions, il est permis de s’interroger sur l’application, aux hypothèses de traitement de cas de COVID 19, des règles de droit régissant la responsabilité médicale. La fulgurance et la méconnaissance de cette maladie empêcheront elle les actions en responsabilité contre le personnel soignant ou les établissements de santé ?
Une bonne connaissance de la matière permet de convenir que si la soudaineté de l’épidémie de COVID 19, ne constitue pas à elle seule une cause d’exonération de responsabilité, son contexte devra être pris en compte.
L’architecture de la responsabilité repose sur la notion de faute, prévue à l’article L 1142-1 du code de la santé publique, permettant seule d’engager en tout intensité d’un préjudice, la responsabilité d’un professionnel de santé.
Mais en quoi consiste cette faute ? Une première définition est donnée par l’article L1110-5 du code de la santé publique : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. Ces dispositions s’appliquent sans préjudice ni de l’obligation de sécurité à laquelle est tenu tout fournisseur de produits de santé ni de l’application du titre II du présent livre. ».
La faute s’apprécie donc au regard des connaissances médicales avérées, impliquant depuis les arrêts Mercier du 20 mai 1936 (D. 1936 p. 88) et Clinique Sainte Croix du 6 mars 1945 (D.1945 p.217) que les soins donnés, en exécution des contrats conclus avec le patient, soient attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science.
Cette notion de soins diligents donne à la matière la souplesse nécessaire pour apprécier chaque prise en charge médicale.
Mais surtout, la référence aux connaissances médicales avérées par le code de la santé publique implique que la prise en charge par un professionnel de santé s’apprécie à la date de son intervention, soit en application des pratiques et méthodes utilisées et publiées conformes à l’état des connaissances du moment.
Cette solution est constante en jurisprudence (Cass. 1ère Civ. 13 juillet 2016, n°15-20.268) étant précisé que le praticien peut se référer à des recommandations médicales publiées postérieurement pour justifier rétroactivement une prise en charge (Cass. 1ère Civ. 5 avril 2018, n°17-15.620).
Dès lors, si la prise en charge d’un patient atteint de COVID 19 peut être examinée sous le prisme d’éventuels manquements, notamment lors de la phase de diagnostique ou de traitement, ce ne sera qu’en fonction des connaissances médicales reconnues et validées dont disposaient le personnel soignant au jour.
Il appartiendra donc aux victimes estimant leur prise en charge non conforme d’apporter la démonstration, médicalement appuyée, que malgré un contexte compliqué, en l’état des connaissances connues du milieu médicale, les soins n’ont pas été appropriés.
Surtout, il sera nécessaire de disposer d’une chronologie retraçant l’évolution des connaissances validées par la communauté médicale pour pouvoir apprécier la conformité d’une prise en charge à une date précise.
Il n’est pas non plus à écarter qu’un traitement, estimé encore incertain ou trop audacieux au jour de son inoculation, puisse être à postériori jugé conforme si son efficacité est finalement approuvée par le corps scientifique.
On l’aura deviné, l’épidémie de COVID 19 jouit d’un horizon jurisprudentiel aussi riche qu’incertain. Tout sera à construire.
Il n’est pas non plus à écarter que le législateur français donne une réponse politique encore plus spécifique avec la création d’un fonds d’indemnisation comme illustré par les scandales sanitaires de l’amiante ou du médiator.
Cela étant, le contexte n’est pas le même. Les affaires mentionnées mettaient en cause une défaillance humaine ou encore un produit s’avérant mortel. Nous sommes face à une maladie que nous devons considérer, en l’état des informations scientifiques, comme survenue naturellement. La création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes pourrait créer une discrimination à l’encontre de celles souffrants d’autres pathologies.
La responsabilité médicale est pour l’instant le seul outil d’indemnisation exploitable et sa mise en application sera complexe. Il sera impérieux de s’accompagner de professionnels compétents. Les victimes de cette maladie ont laissé un tribut suffisamment lourd pour que leur situation ne s’aggrave pas de difficultés judiciaires.
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