Le besoin en aide humaine devant permettre de compenser le handicap d’une victime d’un dommage corporel a toujours fait l’objet de vifs débats.
Selon le rapport Dintilhac : « Ces dépenses sont liées à l’assistance permanente d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Elles visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie. Elles constituent des dépenses permanentes qui ne se confondent pas avec les frais temporaires que la victime peut être amenée à débourser durant la maladie traumatique, lesquels sont déjà susceptibles d’être indemnisés au titre du poste frais divers. »
L’analyse jurisprudentielle de ce poste est la suivante Cass. 2ème civ 28 février 2013 (pourvois n° 11-25.446 et 11-25.927) : « le poste de préjudice lié à l’assistance d’une tierce personne indemnise la perte d’autonomie de la victime restante atteinte, à la suite du fait dommageable, d’un déficit fonctionnel permanent, la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne » ; Cass. 2ème civ 4 mai 2017 (n° 16-16.885) : « Le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être réduit en cas d’assistance d’un membre de la famille ni subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives. » ; Cass. 2ème civ 23 mai 2019 (n° 18-16.651) : « La tierce personne apporte à la victime l’aide lui permettant de suppléer sa perte d’autonomie tout en restaurant sa dignité… L’indemnisation de ce poste de préjudice n’est pas limitée à l’impossibilité d’accomplir certains seulement des actes de la vie courante. ».
L’évaluation du besoin en tierce personne répond au problème général d’autonomie et ou de dépendance mais aussi de sécurité et ne se limite pas à la situation des personnes souffrants de grands handicaps.
Effectivement l’évaluation du besoin en tierce personne n’est pas une donnée strictement médicale (CA Aix en Provence 5 novembre 2015 n°14/11995) et revête d’autres dimensions quotidiennes que les séquelles de la victime empêchent d’assouvir, comme notamment des actes personnels, ménagers, administratifs ou de transports.
Ce poste de préjudice ne relève pas de la seule appréciation des experts, dès lors que, malgré une composante médicale, il est également constitué via la démonstration par la victime de la nécessité d’une aide fournie pour n’importe quel acte face auquel elle se trouve confrontée à une impossibilité (Cass Civ 2 ; 24 mars 2016 n°15-16030) ou une simple pénibilité (Cour d’appel de Nîmes, 1ère Chambre, 7 février 2019, n° 16/03415) :
Cette détermination ne peut être exclusivement physiologique au risque de ne pas rendre compte des problèmes de sécurité, de perte d’initiative et de dévalorisation qui peuvent se poser au quotidien.
L’aide doit couvrir l’intégralité du champ des besoins de la victime sans se limiter aux soins vitaux et doit compenser toutes les dimensions de l’existence qu’elle soit privée (faire ses courses) familiales (amener ses enfants à l’école) administrative (procéder à ses démarches) ou même sociale.
Cette notion est protéiforme et il arrive que plusieurs champs des besoins de la victime doivent être compensés en même temps, entrainant un chevauchement des aides.
Il ne s’agit que d’une application concrète du principe de la réparation intégrale, devant replacer, autant que faire se peut, la victime dans la situation qui était la sienne avant l’accident.
C’est que qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 janvier 2021 (19-86.395), rendu par sa chambre criminelle.
Les faits étaient particulièrement sombres, puisque consécutivement à un accident de la circulation, une victime se retrouve grièvement blessée et atteinte d’un déficit fonctionnel permanent de 98 %.
Par la gravité de son état, la victime ne pouvait plus pourvoir seule au moindre de ses besoins et nécessitait une assistance humaine permanente de 24 H, répartie entre 17 heures 30 de présence vigile (surveillance) et 6 heures 30 de tierce personne active (notamment stimulation).
Or, l’état de cette victime imposait également des soins médicaux journaliers, dispensés sous un format d’hospitalisation à domicile pendant 1 heure 30.
L’assureur du responsable soutenait que ce temps d’hospitalisation devait se déduire du quantum d’aide humaine active, comme faisant double emploi avec celle-ci.
Cette demande fut rejetée par la Cour d’appel, motivant sa décision sur le fait que les soins apportés à la victime et l’aide humaine ne recouvrait pas les mêmes besoins et par conséquent n’indemnisaient pas le même préjudice.
Cette position est validée par la Cour de cassation :
« Pour rejeter la demande tendant à déduire la durée quotidienne des soins assurés par le service d’hospitalisation à domicile de celle retenue au titre de la tierce personne active, l’arrêt, après avoir retenu une assistance 24 h sur 24 dont 17 heures 30 de présence vigile et 6 heures 30 de tierce personne active, énonce qu’il n’y a pas lieu de déduire la durée des soins assurés par le service d’hospitalisation à domicile de celle retenue au titre de la tierce personne active spécialisée dès lors que l’expert a déjà décompté la durée des soins assurés par le service d’hospitalisation à domicile, de sorte qu’il n’y a pas double indemnisation du même préjudice.
En statuant ainsi par des motifs dont il résulte qu’elle a souverainement apprécié, au vu des conclusions du rapport d’expertise, que les services d’hospitalisation à domicile présents de 8 h à 9 h et de 15 h à 15 h 30 ne pouvaient remplacer la tierce personne active, la cour d’appel a justifié sa décision. ».
Il ne faut naturellement pas déduire de cette décision un cumul automatique du temps de soins médicaux avec un besoin en aide humaine de stimulation. Effectivement tant dans le rapport d’expertise que dans la demande d’indemnisation, il avait été démontré que lors de ce créneau horaire, les soins apportés par les soignants d’une part et l’aide humaine dispensée d’autre part ne recouvraient pas les mêmes besoins.
Cela étant, cet arrêt enseigne que les temps d’aide différentielles s’ajoutent et ne se diluent pas
L’aide humaine est un concept souple devant combler des situations concrètement vécues et qui ne doit pas céder à une analyse simplement froide et objective. C’est à ce seul prix que le principe de la réparation intégrale peut être préservé.
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