Un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 16 septembre 2021 n°19-26014 remet en perspective lumineuse le rôle dévolu au rapport d’expertise judiciaire, à savoir celui d’élément servant à éclairer mais non à contraindre le juge, lequel demeure souverain dans son appréciation.
En espèce, une femme présentant une anomalie du défilé thoraco-cervico-scapulaire gauche connue depuis son enfance est victime d’un accident de la circulation le 11 septembre 2013.
A la suite de cet accident, elle présente des douleurs conduisant à la pose, le 12 mai 2014, du diagnostic de syndrome du défilé thoraco-cervico brachial.
Il est de jurisprudence constante et d’ailleurs rappelé par la Cour à l’occasion de cet arrêt, qu’un état antérieur asymptomatique, révélé par un accident, conduit à une réparation intégrale du préjudice corporel en découlant.
Or la question posée aux juridictions était celle du lien de causalité entre ce syndrôme et l’accident et plus particulièrement celle de son caractère certain.
Pas moins de 4 rapports étaient déposés et trois d’entre eux ne pouvaient se prononcer avec certitude.
La victime fournissait néanmoins un rapport, non contradictoire, mais débattu en procédure et de la littérature appuyant son argumentation selon laquelle le diagnostic litigieux devait bien être imputé à l’accident.
La compagnie d’assurance surfant sur cette incertitude, sollicitait une nouvelle expertise, laquelle avait été ordonnée par le juge de première instance.
Or la Cour d’appel, procédant un vrai travail de réorganisation et d’appréciation, retient finalement l’imputabilité en s’écartant des rapports d’expertise.
Après avoir indiqué que les experts demeuraient tous nuancés dans leurs conclusions, la Cour estime que :
« Eu égard à ces avis d’experts et de praticiens partagés, voire indécis, il importe de resituer dans la vie de Xxxx les deux événements que sont l’accident de la circulation et les douleurs en lien avec le syndrome du défilé thoraco-cervico-brachial. ».
Appréciant les éléments du dossier, la Cour note que la victime rapporte qu’elle ne présentait aucune douleur avant l’accident et qu’aucune autre cause que celui-ci n’est rapportée pouvant expliquer l’apparition de ces douleurs.
La Cour d’appel de Nancy retient donc :
« Au regard de l’ensemble de ces éléments, il sera jugé que la décompensation du syndrome du défilé thoraco-cervico-brachial de Xxxx est une conséquence directe de l’accident dont elle a été victime le 11 septembre 2013.
En conséquence, la prise en charge chirurgicale de ce syndrome, le 9 juillet 2014, et les suites opératoires sont directement imputables à l’accident et doivent donner lieu à une indemnisation intégrale des préjudices en découlant. ».
L’assureur forme un pourvoi où pas moins de 8 moyens étaient invoqués, pour notamment déplorer que la Cour d’appel avait dénaturé les éléments de preuve soumis, inversé la charge de la preuve et violé le principe de la contradiction.
Or la Cour d’appel :
La Cour d’appel avait tout simplement et via une motivation rigoureuse et expliquée dans le détail, souverainement apprécié les faits et les éléments de preuve qui lui était soumis.
La Cour de cassation s’incline devant le pouvoir souverain d’appréciation du juge et rejette le pourvoi :
« En l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel, qui a souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu déduire, hors toute dénaturation, sans inverser la charge de la preuve et sans violer le principe de la contradiction, que le syndrome du défilé thoraco-cervico-brachial présenté par Exxx, qui avait été révélé par le fait dommageable, était une conséquence directe de l’accident dont elle avait été victime. »
Effectivement le juge n’est pas lié par le rapport d’expertise même judiciaire mais par son unique appréciation souveraine, laquelle, sous réserve d’être motivée sur des éléments de preuve tangibles, guide seule sa décision.
Le rapport d’expertise n’est qu’un élément de preuve et peut toujours être utilement contesté, cela ne sera jamais assez répété.
A l’heure où l’homologation des rapports par les décisions de justice devient trop souvent la norme, cette rigueur illustrée dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nancy (Cour d’appel de Nancy, 1ère Chambre Civile, 8 octobre 2019, n° 19/00970) doit être saluée.
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